Le docteur Fabri parle du cancer

Médecin généraliste à Niort, auteur de la pièce « Dur Dur la VIE d’une cellule cancèreuse » qu’il interprète avec Martine Aubineau et
les Douglas’s, Philippe Fabri pose ici son regard sur le cancer.

« Chez le médecin généraliste, le patient vient déballer en vrac tout ou partie de ce dont il se plaint. Il expose ses plaintes physiques ou morales. Le médecin commence donc par accompagner le patient dans sa plainte et demande les examens nécessaires pour faire un diagnostic. Un certain nombre de patients auront peur d’avoir un cancer et n’en ont pas (c’est le plus grand nombre) et certains n’y auront pas pensé et en auront un qui pourra être rapidement diagnostiqué, mais parfois plus tardivement.
C’est la difficulté de la médecine de ne pas pouvoir diagnostiquer tout, tout de suite. Un tout petit cancer débutant ne peut pas être
diagnostiqué par nos examens actuels.
C’est là que débute l’accompagnement du généraliste, dans l’incertitude de savoir et dans le timing raisonnable des examens à
faire et éventuellement à refaire. Quand un cancer est diagnostiqué, le généraliste passe la main au spécialiste qui habituellement prend en charge les examens et les traitements nécessaires. Pendant cette période, le généraliste sera parfois consulté pour des questions sur le traitements, pour soigner des affections intercurrentes, ou en rapport avec le traitement. Cela pourra être, suivant les patients, des contacts très ponctuels,ou très fréquents.
Puis vient la fin du traitement et là il y a plusieurs cas de figure

Le patient ne présente plus aucun signe de son cancer et une simple surveillance sera effectuée, souvent plus fréquente chez le généraliste que chez le spécialiste, cela dépendra de l’anxiété du patient. C’est une période difficile pour le patient et pour le médecin, car il y a en permanence l’incertitude d’une rechute. C’est inconfortable et l’accompagnement se fera entre la réassurance et la
prudence. Dans d’autres cas le cancer est toujours présent, mais ne met pas immédiatement la vie du patient en danger. Là l’accompagnement
devient plus délicat. Il pourra se faire, selon les patients, en leur expliquant tout et pour d’autres en leur disant seulement ce
qu’ils semblent aptes et prêts à entendre ou à comprendre. C’est le temps de comment apprendre à vivre avec sa maladie et non contre sa
maladie. Dans certains cas les traitements médicaux que nous avons mis en place n’ont pas été capables de guérir le cancer. Le patient
risquant d’en mourir dans un délai plus ou moins long. Nous pouvons alors entrer dans ce que nous appelons les soins palliatifs. Ils
peuvent souvent avoir lieu dans un premier temps à domicile, avec parfois l’aide d’une hospitalisation chez soi. Certains généralistes
seront très investis auprès de leur patient durant cette période. C’est la période où le patient va prendre (ou pas) pleinement conscience de sa finitude. C’est une période de soubresauts moraux et physiques, une période difficile pour tout le monde, que ce soit le patient, son entourage, ou pour le médecin. Différentes étapes seront traversées : révolte, déni, dépression et parfois, heureusement, acceptation.
Puis viennent les derniers jours, les derniers instants. Ces moments qui peuvent être dans une grande ouverture, ou dans une grande fermeture tellement la peur est forte. Le rôle du généraliste, s’il en a le goût, sera alors d’accompagner, tel qu’il est, le patient et son entourage. Nous souffrons d’une maladie mortelle qui s’appelle la vie. Qu’allons nous faire du temps qui nous reste à vivre ? »